La vie trépidente de mes crayons HB

La vie trépidente de mes crayons HB

mardi 8 février 2011

La vie trépidente de mes crayons HB - 3

J'attends. Je regarde l'heure comme je l'ai déjà fait il y a un quart d'heure, ma montre me contredit... J'attends...
J'ai toujours rêvé de réussir à faire tourner un crayon autour de mon pouce. Il y en a que ça énerve, moi ça me fascine. Bon allez ! J'me donne treize minutes pour y arriver.
Une première fois par terre. Ça me saoule déjà. Un peu de persévérance ! 
Deuxième fois, par terre. Bon ! J'arrête. Encore douze minutes...

Une fille arrive. Elle discute au téléphone avec un Éric. J'essaye de l'ignorer, mais je dois avouer que c'est l'évènement le plus intéressant depuis mon attente. Elle est châtain, pas vraiment belle, ni complètement moche non plus. Elle a un défaut dans ses traits que son Éric doit nommer charme. Elle est assez élégante, elle joue avec ses cheveux. Elle les tortillent comme si l'ancien fil des téléphones lui manquait. Elle me regarde !
Je pense à Clint Eastwood et je fais un mouvement de tête vers le bas. Elle me répond par l'identique. Un message est passé.
Elle continue sa conversation, je ne la regarde plus mais j'écoute attentivement.
- Tu lui as vraiment dis ça ?
- ...
- T'es comme un con maintenant ! Du coup, tu m'appelles ?
- ...
- Bon ! Donnes-moi son adresse, je vais le récupérer.
Elle penche la tête, coince son portable et fouille dans son sac. Elle sort un papier, visiblement d'occasion, et continue sa recherche. Je me penche légèrement de son côté en lui proposant mon super crayon HB, flambant neuf. Elle s'arrête, me dévisage pendant une énorme seconde, prends le crayon et me lâche le plus petit "merci" du monde. Elle se met à noter l'adresse, la feuille collée contre le visage botoxé de Nicole Kidman. L'éclairage de la pub me permet de confirmer l'ancienneté du papier.
- Bon ! Écoutes ! J'y vais mais après tu me fous la paix !  
Elle raccroche, me rend le crayon et me remercie.
- Ça va ?
Elle me regarde avec un œil plus ouvert que l'autre. Je répète :
- Ça va le faire ? Je veux dire... Avec votre ami...
- De quoi j'me mêle ?
- Non ! Mais... Excusez moi, je ne veux pas paraitre indiscret. Vous aviez juste l'air embarrassé, et...
Elle attend, je n'ai plus rien à dire pour ma défense, elle délibère.
- Tu t'appelles comment ? me demande-t-elle.
- On se tutoie ?
- Tu t'appelles comment ?
- Fred !
- Viens avec moi !
...

lundi 7 février 2011

La vie trépidente de mes crayons HB - 2

La différence entre le diamant et le graphite d'un crayon  se situe juste dans la façon dont les atomes se tiennent entre eux. C'est fou...
C'est fou, ce qu'on apprend comme trucs en regardant E=M6 !

Le bus freine d'un coup sec, je manque de m'éborgner avec cette saleté de crayon qui visiblement a décidé de me *+2µ%...

- Calmes-toi, prends un mentos !
Une mère de famille se retourne et regarde la place inoccupée à ma droite. Elle cherche tout autour de moi, croise mon regard, revient immédiatement à la position numéro une. Elle chuchote à son fils de rester calme.
- Nan mais ... J'me parlais à moi même !!! Dis-je, avec un decrescendo dans la voix qui illustrait la distance nécessaire entre nos deux mondes.
Sa chevelure ne réagit pas.
Elle ne devait plus s'être parlé toute seule depuis longtemps. Elle ne devait plus s'être retrouvée seule depuis longtemps. Elle devait me prendre pour un dingue qui tenait un paquet de mentos et un crayon dans ses mains.
Le bus s'arrête. Les portes ventouses dépressurisent instantanément l'atmosphère tendue. Je descends, jette un dernier coup d'œil à l'intérieur, la femme se retourne immédiatement. Une chevelure rassurée s'éloigne...

Je m'assied sous l'arrêt, je prendrai le prochain...

vendredi 21 janvier 2011

La vie trépidente de mes crayons HB

Par-delà les Autoroutes du Sud de la France, dans sa forêt dévastée depuis la fin du siècle dernier, un tronc d'arbre git sur le sol, tel un fémur d'éléphant dans son cimetière. La mélodie incisive d'une tronçonneuse comprime les dernières gouttes de sève qui lui reste dans les veines. Dans un ultime craquement le tronc revendique son droit à la résurrection ...

Mercredi 12 décembre 2005, 18h 17, rayon papeterie du Auchan de Nantes, un silence inexplicable me glace le sang. Les super-étourneaux habituellement si bruyants lors de leur sacrifice quotidien de paquets de curly se recueillent soudainement. Dans cet environnement superficiel, la Nature me parle. Je ne bouge plus. Je ne pense plus. J'écoute ...

- 2 euros 65, monsieur !
Je sursaute.
- 2 EUROS 65, MONSIEUR ! Me réclame une caissière quinquagénaire dont le maquillage fané ne dissimule plus, à cette heure ci, son dégout de l'humanité.
- Vous acceptez la carte ?
- Non, monsieur, pas en dessous de 10 euros !
Réveil étrange ! Une nausée me submerge immédiatement. L'impatience de mon interlocutrice mêlée à la tonalité rayée de sa voix renforce mon trouble. Dans ce qu'il me semble être un reflex de survie, je lui demande :
- Et si je vous prends 3 paquets de mentos ?
- Il faut aller les chercher, monsieur !
Entre compassion et agacement, une bonne âme coincée dans la file d'attente me jette les trois paquets, en ponctuant :
- Bon ! Y a moyen qu'on avance ?
Je n'ose lui exprimer ma préférence pour les mentos goût menthe qui étaient à peine plus à gauche que ceux qu'il m'a choisis.
- 11 euros 77 !
Je paye, récupère mes mentos et découvre enfin l'objet de ma tourmente.

samedi 15 janvier 2011